
Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné
Longtemps Timothée a été dans l’équipe missionnaire de saint Paul et il était chargé par lui de diverses missions auprès des églises fondées par l’Apôtre, mais voilà maintenant qu’il est à la tête de l’une de ces communautés qui commencent à se multiplier autour du bassin méditerranéen. Paul, le « vieux Paul » (comme il se présente lui-même) lui donne de sages conseils pour exercer sa charge et, parmi ses encouragements, il y a un rappel bien nécessaire : « ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné. »
On imagine Timothée, habitué jusque-là à jouer les seconds rôles, soucieux de mettre tout le monde d’accord, qui se trouve soudain en responsabilité et obligé de tenir tête à des hommes à la foi douteuse, à des opposants en tout genre et il n’est peut-être pas rassuré. « N’aie pas peur ! » lui dit Paul, ce qui veut dire : sois capable de t’opposer à ce qui serait contraire à la foi et à la vérité.
Il est frappant de constater que dans les conseils donnés aux prêtres aujourd’hui, celui-ci est assez rare. En revanche, sous prétexte que le curé doit être l’homme de la communion (ce qui est vrai), on pense qu’il ne doit jamais reprendre quiconque et tout accepter, au nom d’une fausse idée de la paix. On parle beaucoup de pastorale, mais on oublie que le berger qui mène son troupeau ne se laisse pas mener par lui, qu’il lui imprime au contraire une direction.
Il est particulièrement difficile, surtout dans le monde où nous vivons, de contrarier l’opinion générale. Mais non seulement on cède sur certaines choses où il ne faudrait pas céder, mais on s’autocensure sur des sujets dont on craint seulement qu’ils soient sujets à critique. Alors on n’ose pas dire la vérité, on torture même les textes par crainte qu’on puisse supposer je ne sais quoi. Nos traductions liturgiques cèdent trop souvent à ce penchant. Dans la prière eucharistique n° 1, on recommande à Dieu « ses serviteurs et ses servantes », c’est cela qui figure dans la version latine, mais la première traduction avait fait tomber « servantes » parce que cela ressemblait trop à la « bonne à tout faire » de jadis. Mais ce n’était pas mieux : pour une fois qu’il y avait une formule « inclusive », on la faisait disparaître ! Alors on a vu revenir les « servantes » ! Combien de choses sont de ce type ? Quel manque de dignité !
Oui, Paul a bien raison, bannissons cette peur qui n’est pas de bon aloi. Il ne s‘agit pas de chercher la bagarre, mais de dire la vérité sans s’embarrasser de précautions infinies. Même des adversaires de bonne foi apprécieront qu’on dise les choses clairement, qu’on prenne parti en donnant ses raisons, tandis que la tentative de mettre tout le monde de son côté en récupérant le point de vue adverse n’est pas honnête. J’ai connu des prêtres qui, devant un auditoire où il n’y avait pas beaucoup de catholiques pratiquants, faisaient semblant de croire que tout le monde avait les mêmes valeurs.
La vérité de l’Évangile est bien plus libérante !