
Un dimanche en apesanteur
Curieux ce dimanche entre Ascension et Pentecôte, Jésus semble parti et l’Esprit pas encore arrivé. Serions-nous devenus orphelins ?
Non ! d’abord parce que Jésus ne cesse pas d’être là : plus que jamais sa figure se dessine à nos yeux après son départ pour la gloire et l’Esprit Saint que les Apôtres ont commencé à recevoir (cf. Jean 20,22) nous fait souvenir de tout ce qu’il nous a dit, nous en révélant ainsi toute la profondeur. Si nous restions collés au passé, comme des enfants qui ne veulent pas quitter les jupes de leur mère, nous ne pourrions pas vraiment grandir.
Jésus a voulu cet apparent hiatus pour nous faire entrer résolument dans ce qu’on pourrait appeler l’économie de l’Esprit Saint. Et là, un don fait suite à un autre don. A côté de la figure incomparable de Jésus, il y a maintenant ce grand discret qu’est l’Esprit, qui ne se montre pas directement, mais qui fait voir tout le reste. En Dieu, c’est lui, l’Esprit, qui fait le lien entre le Père et le Fils, il est l’amour de l’un et de l’autre, l’amour de l’un pour l’autre et le fruit de cet amour. Qui voit le Christ voit le Père, c’est vrai, mais à condition d’avoir les lunettes du Saint Esprit, ou plutôt d’avoir le regard extasié, dilaté par l’Esprit, capable de voir non une image plate reproduisant les traits d’un absent, mais une communion de vie entre lui et nous.
Jésus nous l’a dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez, parce que je vis, et que vous vivez. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » (Jean 14,19).
« Vous me verrez, parce que je vis, et que vous vivez ». Pesons bien ces mots. Jésus n’est pas un souvenir, un météore qui est passé un jour dans notre ciel. Il est, en ce moment, vivant et agissant. Et nous aussi nous vivons de l’élan qu’il nous donné. C’est l’Esprit qui va faire le lien. Notre façon de voir Jésus, c’est d’avancer dans la vie, de répondre à son appel, de rebondir dans les difficultés, mais surtout de prendre le temps de le contempler avec cette foi qu’il a éveillée en nous. Il deviendra ainsi de plus en réel pour nous.
Comme les Apôtres au bord du lac, nous n’aurons plus à nous interroger pour savoir si c’est vraiment lui qui était là et qui agissait : « ils savaient bien que c’était le Seigneur ! » (Jean 21,12).