
Ayez de la patience et soyez fermes, car la venue du Seigneur est proche
Depuis deux mille ans que l’on répète ces mots, on pourrait se demander si les faits n’ont pas largement démenti cette attente. Nous voilà embarqués pour une aventure qui devait se terminer très vite par une magnifique apothéose, mais celle-ci tarde à venir. Saint Pierre a beau nous dire que, pour Dieu, « mille ans sont comme un jour » (2 P 3,8), nous qui vivons cette histoire au jour le jour, nous trouvons que ça fait long et nous sommes même tentés de nous demander s’il y a encore quelque chose à attendre. N’est-ce pas un beau rêve ? Alors une tentation subtile arrive : celle de croire que, s’il y a une vie après la mort, c’est une vie purement « spirituelle », sans attache avec le corps, la chair et l’histoire. Une vie de rentier, en quelque sorte, que Dieu dispenserait avec générosité à ceux qui ne se sont pas trop mal conduits pendant leur passage sur terre ? Ce serait simple, à défaut d’être vrai, et on n’aurait à craindre aucun démenti.
Il faut se rendre compte du risque qu’a pris l’Église en nous faisant attendre rien moins que la Résurrection. Car qui dit résurrection de la chair suppose qu’interviendra à un moment donné un changement radical de l’ordre du monde, à une date que nous ne maîtrisons pas. Et pour y croire, alors que chaque année nous constatons que ce n’est pas arrivé, il faut une confiance sans limite dans la parole de Jésus, fondée, il est vrai, sur le fait de sa propre résurrection, mais quand même… C’est un pari sur le Saint Esprit promis par le Christ, car seul l’Esprit peut toucher nos cœurs à ce point-là et nous faire organiser notre vie sur ce manque absolu de garantie : mais « le Seigneur reviendra ! »
Jésus nous avait prévenu : « vous, soyez semblables à des hommes qui attendent leur maître à son retour des noces, afin que, lorsqu’il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant! Je vous le dis en vérité, il se ceindra, les fera mettre à table et passera pour les servir. Et si c’est à la deuxième ou à la troisième veille qu’il arrive et (les) trouve ainsi, heureux sont-ils! » (Luc 12,36-38). S’il vous est arrivé un jour d’attendre quelqu’un pendant toute une nuit, parce qu’il fallait absolument être là pour lui ouvrir la porte, vous savez la terrible épreuve que cela présente : le moment vers 2h du matin où on n’en peut plus et où on commence à se demander s’il viendra cette nuit-là. Seul l’amour que l’on porte à la personne qui doit venir peut nous aider à surmonter la terrible lassitude : la certitude qu’on a qu’il ne peut pas nous tromper, l’image qu’on se fait du bonheur qu’il éprouvera quand il nous trouvera là prêts à l’accueillir, …
Telle est notre situation, si nous aimons Jésus plus que tout. Nous devons veiller pour qu’il nous trouve prêt à bondir au-devant de lui pour l’accueillir. Son retour, ce ne sera peut-être pas celui du dernier jour (serons-nous encore là sur terre à ce moment-là ?) mais ce sera au moins celui de la visite fugitive qu’il nous laisse déjà entrevoir : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe: si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi » (Apocalypse 3,20).

