
L’agneau devenu pasteur
La lecture de l’Apocalypse de ce dimanche contient cette formule un peu étonnante : « l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur ! ». L’Agneau devient Pasteur ! C’est le monde à l’envers ! Mais Il ne faut pas le comprendre au sens où un soldat particulièrement méritant recevrait de l’avancement et deviendrait ainsi peu à peu le chef. Dans la vision de saint Jean, c’est l’inverse : celui qui est dès le début notre chef et notre Dieu s’est mis dans le rang et il a accepté de partager notre situation de créature par l’Incarnation. En ce sens, c’est plutôt le Berger qui devient agneau parmi les agneaux !
Mais la réciproque n’est pas fausse : celui qui a connu de l’intérieur notre condition humaine, qui a partagé nos souffrances sans jamais se séparer de Dieu son Père est devenu notre guide. Nous reconnaissons en lui un des chez nous. Et nous pouvons donc le suivre en confiance parce que nous savons que là où il est passé nous pouvons passer nous aussi. Il n’est pas seulement la Vérité et la Vie (le but à attendre) mais il est aussi le chemin pour y parvenir, son parcours résume et éclaire le nôtre.
En ce dimanche du « Bon Pasteur », où l’Eglise nous fait méditer sur le rôle des prêtres dans l’Eglise, il n’est pas vain de s’arrêter un moment sur ce mystère qu’est toute vie sacerdotale. On ne manque pas de gens en ce moment pour nous rappeler que, si l’ordination a fait du prêtre un homme différent, celui-ci reste un homme comme les autres, avec toutes ses faiblesses. C’est vrai et nul n’en a jamais vraiment douté. S’il y avait l’ombre d’un doute, les circonstances présentes se chargeraient de les dissiper.
Mais ce qui est plus intéressant, c’est de voir comment le prêtre, homme parmi les hommes, brebis au milieu des brebis du Seigneur, va peu à peu recevoir un destin qui le modèle sur le Christ et qui, dans l’exercice même de son ministère, l’use jusqu’à la corde, pour ne laisser subsister que l’essentiel : cette médiation qu’il assume et qui fait son tourment, médiation qui consiste à être écartelé entre la sainteté de Dieu et le péché des hommes. Là est sa vraie place. Là ses vrais succès. Tous les autres rôles qu’il peut exercer à certains moments (gouvernement, présidence de la liturgie, enseignement, etc.) ne sont que des manières de réaliser cette tâche qui consiste avant tout à rapprocher les hommes de Dieu.
Il sera suivi dans l’exacte mesure où lui-même suivra l’Agneau sans tache qui se laisse conduire à l’offrande de sa vie.