
Il ne restera pas pierre sur pierre !
Pourquoi bâtir quoique ce soit de beau et de solide, si la perspective, comme semble nous le redire l’évangile de ce dimanche, est la ruine et l’effondrement, la guerre et les persécutions ? A quoi bon remettre en usage Notre Dame de Paris et finir de construire à Barcelone la Sagrada Familia commencée en 1882 ?
La tendance de beaucoup va aujourd’hui dans cette direction : « à quoi bon mettre des enfants au monde ? », « c’est la fin de l’histoire ! » entend-on de divers côtés. Et de fait, la montée du péril écologique et la reprise des guerres territoriales ne laissent pas espérer beaucoup de lendemains qui chantent. Et voilà que c’est le Seigneur lui-même qui semble aller dans ce sens-là, en nous présentant l’avenir sous un jour menaçant.
Mais ne nous y trompons pas, la fin qui nous est annoncée n’est pas le déclin et l’effondrement, mais la victoire et le salut. Le discours que nous lisons en ce moment se termine par une joyeuse annonce : « Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre délivrance est proche ! » (v. 28). Il y aura certes une secousse, difficile à vivre peut-être, un craquement redoutable, mais, après lui, le Seigneur reviendra sur les nuées du ciel et ce sera la fin de ce vieux monde pourri que l‘on essaie désespérément de faire durer.
Mais nous n’en sommes sans doute pas encore là. Avant la grande crise de la fin, il y aura encore des crises partielles qui feront tomber tel ou tel pan du vieux monde. Et, au milieu de cela, il faudra continuer à vivre, à relever le courage des uns et des autres, à ramasser les débris pour essayer de faire repartir la vie. Il faudra, s’occuper de la formation des enfants, préserver la culture, veiller à la dignité de la liturgie. Tout cela restera sans doute bien fragile, mais ce sera la manière de préparer l’avenir, de garder au cœur le désir des grandes choses.
Saint Paul a bien raison de nous rappeler le devoir de travailler. Nous ne rebâtirons pas la Tour de Babel, mais nous ne perdrons pas notre temps à nous lamenter sur nos malheurs. Nous ferons du bien, nous cultiverons la terre, nous soignerons les blessés, nous élèverons des animaux, nous recopierons des manuscrits. C’est ce que les monastères ont fait dans le passé, même dans les pires moments. Sans illusion sur le progrès, mais avec le regard toujours tourné vers le retour du Christ.
Dans le pessimisme d‘aujourd’hui, seul le Christ peut donner une raison de vivre qui ne risque pas d’être démentie par l’avenir. L’homme d’aujourd’hui, après la faillite des illusions sur le Progrès, n’est sans doute pas prêt à marcher au canon pour une nouvelle chimère. Pour lui présenter l’espérance, la vraie, il faudra être sérieux et ne pas se payer de mots. Cela ne se fera pas sans un solide poids de prière et de pénitence.

