
La croix glorieuse
Une surprise : cette année, le 14 septembre tombant un dimanche, ce n’est pas le 24e dimanche du Temps dit « ordinaire » qui nous attend, mais c’est une merveilleuse fête, celle de la Croix glorieuse de Notre Seigneur Jésus-Christ, naguère dénommée l’Exaltation de la Sainte Croix, pour la distinguer d’une autre fête qu’on appelait l’« Invention de la Sainte Croix » célébrée le 3 mai et qui commémorait la découverte par l’impératrice Hélène du bois de la croix à Jérusalem en 326.
C’est un peu comme la fête du Très Saint Sacrement qui nous permet de savourer le mystère de l’eucharistie : celui-ci nous a été offert le Jeudi Saint, mais nous n’avons pas eu alors le temps d’en mesurer toutes les implications, pris que nous étions dans le déploiement de la Semaine Sainte. C’est un peu pareil pour la Croix, nous l’avons rencontrée évidemment le Vendredi Saint, sur le chemin du Golgotha. Mais nous avons besoin de l’« arrêt sur image » que nous fournit la fête d‘aujourd’hui pour nous rendre compte de tout ce que signifient ces deux morceaux de bois dressés pour notre salut.
La première lecture de la fête est tirée du livre des Nombres (21,4-9) et nous raconte l’épisode du serpent d’airain, c.a.d. de ce remède que Dieu a indiqué à Moïse pour arrêter l’effet des morsures de serpent qui frappaient les Israélites à la suite de leur infidélité, il suffisait de regarder l’image du serpent coulée dans le bronze et le mal s’arrêtait. Jésus lui-même fait allusion à ce passage de la Bible quand il dit : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert,ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. »
Le sens de l’épisode du serpent d’airain semble bien être le suivant : pour être guéri de leur mal, c.a.d. du péché d’infidélité, il est demandé aux fils d’Israël de regarder en face la cause de leur malheur, qui est le refus de faire confiance à Dieu, ce Dieu qui a dirigé leur marche dans le désert et leur destine une terre où coulent le lait et le miel. En jetant les yeux sur l’image du serpent qui est exposé à leur vue, ils reconnaissent tout à la fois la raison de leur châtiment et le moyen d’en sortir : faire confiance à celui qui continue de prendre soin d’eux.
Jésus en faisant allusion à cet épisode nous montre que sa venue parmi nous et surtout son supplice sur la croix ont le même effet : il s’agit pour nous de voir d’où vient notre malheur et ce qu’il en a coûté au Fils de Dieu pour nous tirer du péché : « ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » (Jean 19,27 citant Zacharie 12,10). Mais, au lieu que cette vision soit accusatrice, elle devient source de vie quand nous voyons le corps mutilé du Sauveur avec une infinie reconnaissance et de douces larmes de contrition.
La croix que nous regardons, que nous saluons, devant laquelle nous nous inclinons, que nous portons éventuellement sur nous est autre chose qu’un souvenir ou un porte-bonheur, elle nous remet devant ce geste de miséricorde que le Christ ne cesse de faire en notre direction et qui transforme peu à peu notre vie.