
La petite source qui fait tout exploser
La Pentecôte pourrait s’appeler à bon droit la « fête de la vie dans l’Esprit ». Ce n’est pas un épisode de la vie du Christ, comme ceux que la liturgie égrène depuis Noël jusqu’à l’Ascension, c’est la mise en valeur d’une réalité intérieure que Jésus a voulu partager avec nous, car lui n’a pas cessé de vivre de l’Esprit : il a été « conçu du Saint Esprit » (credo), il s’est offert « dans un Esprit éternel » à son Père sur la croix (Hébreux 9,14), il est celui dont on dit à plusieurs reprises qu’il était tout « plein de l’Esprit » (Luc 4,1 etc…). La colombe qui plane au-dessus de sa tête le jour du Baptême se savait déjà chez elle quand elle descendait sur le Messie (Matthieu 3,16).
Il était plein de l’Esprit Saint, tout simplement parce qu’il était le Fils de Dieu et que l’Esprit du Fils, c’est aussi celui du Père. Cela se voit à ceci : tout ce que veut le Père, le Fils le veut pareillement, mais chacun y contribue avec sa propre manière d’être et l’Esprit préside à ce commerce d’amour. Or la présence de l’Esprit, le Fils l’a vécue jusque dans son humanité, afin de pouvoir nous la communiquer. Saint Irénée l’a dit magnifiquement : « l’Esprit est descendu dans le Fils de Dieu, devenu le fils de l’homme, pour s’habituer avec lui à habiter le genre humain, à reposer parmi les hommes, à habiter l’œuvre de Dieu, pour opérer en ces hommes la volonté du Père, et les renouveler de leur désuétude dans la nouveauté du Christ ».
Pour nous aussi, « être fils », cela revient à dire accéder à l’intimité du Père, et donc à « vivre dans l’Esprit », L’Esprit nous rend la possibilité d’adopter une attitude filiale devant Dieu, attitude qui est tout à l’inverse de celle d’Adam : c’est l’acceptation joyeuse de notre dépendance, la reconnaissance pour tous les dons reçus, la volonté d’œuvrer en tout pour plaire à notre Père du ciel et pour lui faire honneur, l’amour qui nous porte vers les autres enfants de Dieu qu’il a mis sur notre route. C’est cela que l’Esprit sculpte en nos cœurs tout au long de notre vie, c’est le grand œuvre qu’opère l’Avocat, le Consolateur, à qui nous avons été confiés. Tout cela, il le met au fond de nous « sans faire de bruit », comme dit le chant
En conséquence, nous voyons que nous avons deux vies qui se déroulent parallèlement : celle qui se vit à l’extérieur marquée par des événements bons ou mauvais qui surviennent à des moments divers et puis une autre histoire, celle de notre vie dans l’Esprit, initiée au baptême, fortifiée par tous les sacrements reçus, inspiratrice des choix essentiels que nous avons posés. Quelle joie quand nous verrons tout cela au terme de la route !
Le paradoxe qui éclate le jour de la Pentecôte, c’est que cette vie dans l’Esprit, propre à chacun d’entre nous, vie tout à fait cachée, au point que nous ne sachions pas toujours la reconnaître, et bien voilà qu’elle bouscule la nature, rassemble les foules, suscite une parole d’autorité, donne un courage fou à ces hommes qui parlent au nom du Christ et concourt à la fondation de la seule société humaine qui ait jamais traversé l’histoire et duré si longtemps.
Ce n’est pas toujours ainsi que les choses se passent, mais c’est arrivé suffisamment souvent au cours de l’histoire de l’Eglise pour que nous croyons que c’est la sainteté qui mène le monde.